LES SATURNALES PAIENNES
(06 - MYTHES, LEGENDES, TRADITIONS ET SYMBOLISME) par sylvietribut le 27-12-2013
Comment,
en cette fin d’année, ne pas être tenté d’évoquer les Saturnales, autour
du solstice d’hiver… Certains disent qu’on les fêtait le 16 janvier.
Cependant, on sait que les fêtes chrétiennes ont été calquées sur les
païennes, mais est-ce aussi de ce « paein » qui signifie « faire
paître » que viennent le dieu Pan et les païens, reliant une fois de
plus la vie agreste, la vitalité violente, l’appétit vorace, l’avidité
sensuelle et ces dieux de la nature qu’étaient à l’origine Ops-Saturne,
dieux des semailles et des semences ?
En fait,
les Saturnales ressemblaient à s’y méprendre à nos fêtes de Noël.
Saturne-Cronos ressemble comme un frère au Père Noël, avec sa barbe, son
allure de vieillard et son capuchon sur la tête. Pendant les Saturnales
on échangeait des cadeaux, on allumait des bougies. Il ne manquait que
le sapin. Pendant ces fêtes les maîtres servaient leurs esclaves et les
esclaves commandaient à leurs maîtres, partageaient la même table.
Personne n’aurait osé déclarer la guerre pendant cette période et cette
règle survit encore à travers nos trêves de Noël.
Les Saturnales romaines
Nous avons
si peur de la mort aujourd’hui, que nous avons perdu le sens de la
« bonne mort », de la « mort heureuse » dont on vient d’en avoir un
aperçu avec la mort de Nelson Mandela. La mort fêtée, la mort-danse et
musique, liée au deuil et en facilitant peut-être le travail du deuil.
Les
Chrétiens ont sans doute beaucoup exagéré l’aspect licencieux des
Saturnales. Il a fallu détrôner, gommer ces mythes païens, les noircir à
plaisir, les diaboliser en quelque sorte, tout en se les appropriant.
Dans les Saturnales, il y a liberté et transgression. Toutes choses
propres à choquer les Chrétiens. Liberté dans cette inversion des rôles
entre maîtres et esclaves. On dépassait une condition sociale figée. On
en retrouvera une trace dans la presse, plus tard, le jour de la
Saint-Jean Porte Latine où les journalistes prenaient la place des
typographes et fabriquaient un journal tandis que les « typos » le
rédigeaient.
Pendant
les Saturnales, les esclaves goûtaient au pouvoir et les maîtres
faisaient l’expérience de la servitude. Peut-être les maîtres, après
avoir connu cette condition inhabituelle, traitaient-ils mieux leurs
esclaves.
Vue sur Saint-Pierre de Rome depuis l’Aventin
Pour
clôturer les festivités, les Romains se portaient en masse vers le mont
Aventin. On enlevait à la statue de Saturne les chaînes portées par lui
depuis que Jupiter avait voulu contenir l’appétit dévorant de son père,
en le soumettant au rythme régulier des astres et des jours.
L’Aventin
est l’une des sept collines de Rome, la plus méridionale de toutes,
située entre le Tibre, le Mont Caelius et le Mont Palatin. La colline
doit son nom à « Aventinus », fils d’Hercule et de la prêtresse Rhéa,
qui combattit à Tumus. Cette colline fut réunie à la ville de Rome
durant la seconde moitié du VIIe siècle avant Jésus-Christ, par Ancus
Marcius. Très tôt sous la République romaine, les temples de la Liberté
et de Diane y furent construits. En 38 avant Jésus-Christ, la première
bibliothèque de Rome, dite bibliothèque d’Asinius Pollion, y fut
construite par Gaius Asinius Pollio, qui assurait la réfection du parvis
du temple de la Liberté.
Janus au double visage – Musée du Vatican
Les
Saturnales auraient été créées par Janus, le dieu à deux visages, qui
avait recueilli Saturne chassé par son fils Jupiter. Si Janus voulut
créer les Saturnales, c’était pour commémorer le règne de Saturne qui
fut l’âge d’or. Ces fêtes dont l’institution remontait dans le passé
bien au-delà de la fondation de Rome, consistaient principalement à
représenter l’égalité qui régnait primitivement parmi les hommes. Elles
auraient commencé le 16 décembre de chaque année. D’abord, elles ne
durèrent qu’un seul jour, mais l’empereur Auguste ordonna qu’elles
devaient être célébrées pendant trois jours auxquels plus tard Caligula
en ajouta un quatrième. Outre les festivités, on suspendait la puissance
des maîtres sur leurs esclaves et ceux-ci avaient le droit de parler et
d’agir en toute liberté. Tout ne respirait alors que le plaisir et la
joie : les tribunaux et les écoles étaient en vacances. Il n’était
permis ni d’entreprendre aucune guerre, ni d’exécuter un criminel, ni
d’exercer d’autre art que celui de la cuisine ; on s’envoyait des
présents et l’on se donnait de somptueux repas. De plus, tous les
habitants de la ville cessaient leurs travaux. La population se portait
en masse vers le Mont Aventin pour y pendre l’air de la campagne. Les
rues retentissaient des cris des Romains qui s’interpelaient par de
« Bonnes Saturnales ». Le jour de Saturne est celui qu’on appelle depuis
« samedi », c’est-à-dire « Saturni dies ».
L’Univers et la Terre en son centre selon Macrobe
Macrobe
rapporte diverses traditions romaines sur l’origine des Saturnales :
plusieurs font référence au séjour de Saturne dans le Latium avant la
fondation de Rome. Saturne détrôné se serait réfugié en Italie, dans le
Latium, où il rassembla les hommes féroces éparpillés dans les montagnes
et leur donna des lois. Son règne fut appelé « l’âge d’or », ses
paisibles sujets étant gouvernés avec douceur et équité. Les Saturnales
allaient contribuer à célébrer la mémoire de cet âge heureux de
l’exercice du pouvoir. Macrobe était un écrivain et un philosophe latin,
auteur des « Saturnales » et du « Commentaire au Songe de Scipion ». Il
naquit vers 370 à Sicca en Numidie, en Afrique. Il est, avec Saint
Augustin et Cassiodore, l’un des « passeurs de témoin » à la fin de
l’Antiquité romaine, notamment en ce qui concerne la question de l’âme.
Pour la
recherche actuelle, les Saturnales sont une fête typique du « crépuscule
de l’année ». Saturne est essentiellement le dieu de la période qui
précède le solstice d’hiver, comme la fête celtique de Samain, période
qui voit des pratiques de banquets et de magnificence, pendant laquelle
la paix régnait et la communication avec le monde des morts était
établie.
Saturne en dignité en Capricorne et en Verseau
Bibliographie